MONTRÉAL – Comme elle le fait à peu près tous les matins, Jessica Campbell s’est pointée au Centre Bell, lundi, et a enfilé ses patins pour aider à diriger l’entraînement du Kraken de Seattle. Tout ce qu’il y a de plus banal pour un entraîneur adjoint dans la LNH.
Mais pas pour une entraîneuse adjointe.
Surtout pas pour la toute première, et la seule, dans l’histoire de la Ligue. Le rôle de pionnière vient inévitablement avec beaucoup d’attention et des responsabilités supplémentaires. Comme celles de s’entretenir avec les médias montréalais à la veille d’un match, une chose très rare pour un(e) adjoint(e).
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« Ce n’est pas lourd à porter, a déclaré la femme de 32 ans dans une mêlée de presse. Je vois plus ça comme une belle opportunité à notre époque. C’est important de souligner qu’il s’agit de quelque chose de spécial pour le sport. C’est un pas dans la bonne direction et je suis fière de faire partie du changement.
« Chaque fois qu’il y a quelque chose de différent, ça vient avec de l’attention. Mais de faire les choses différemment, ça permet à tous de grandir. Ça met les gens au défi de penser différemment. »
C’est visiblement ce que Dan Bylsma a fait. Il l’a d’abord invitée à devenir son adjointe quand il a été nommé entraîneur-chef du club-école du Kraken, à Coachella Valley, il y a deux ans, et il a fait de même lorsque l’organisation l’a placé à la tête du grand club, au cours de la plus récente saison morte.
« Il m’a donné le pouvoir de faire mon travail au meilleur de mes habiletés au cours des dernières années, a reconnu Campbell. Il m’a donné de grandes responsabilités. Je m’inspire beaucoup de lui. Je crois qu’il n’y a que du positif à apprendre de Dan sur une base quotidienne. »
Le pilote, une fois champion de la Coupe Stanley, avait vu le travail qu’avait accompli Campbell comme adjointe avec les Ice Tigers de Nuremberg, dans la Ligue professionnelle allemande (DEL), ainsi que dans ses fonctions d’entraîneuse au développement, auparavant.
Elle travaillait déjà avec des joueurs de la LNH durant l’été, mais son nom a réellement commencé à circuler au moment du retour au jeu pendant la pandémie. Une vingtaine de joueurs, dont Mathew Barzal et Brent Seabrook, ont fait appel à ses services pour regagner la forme avant la reprise des activités dans la bulle.
« Elle avait prouvé qu’elle pouvait faire le travail avec des joueurs de la Ligue, a souligné Bylsma. Elle communique bien avec les joueurs et peut se mettre à leur place. Elle est bonne pour identifier ce qu’ils peuvent améliorer pour atteindre leur plein potentiel.
« Pendant deux ans, à Coachella Valley, elle a fait de l’excellent travail dans cet aspect. J’avais pleinement confiance qu’elle pouvait le faire dans la grande ligue. »
Assez pour gagner le respect des joueurs et prendre sa place dans un vestiaire de la LNH?
« C’est le défi de chaque entraîneur », a simplement répondu Bylsma, mettant de côté la question du genre.
Environnement propice
Ce n’est probablement pas un hasard si la transition de Campbell vers la LNH s’est faite en douceur avec le Kraken. Dès la naissance de l’équipe, les propriétaires de l’équipe avaient promis de mettre l’accent sur la diversité à tous les niveaux de l’organisation, à l’image de la ville de Seattle.
L’entraîneuse en est un exemple parfait, tout comme le thérapeute en chef Justin Rogers, le premier homme ouvertement homosexuel à travailler derrière un banc de la LNH. La diversité est bien visible dans les cercles rapprochés de l’équipe, un aspect qui sort de l’ordinaire. Pour le mieux.
« Je suis fière de faire partie du Kraken et de ce que l’organisation représente et défend, a affirmé Campbell. Je me pointe au travail chaque jour, et je suis entourée par beaucoup d’autres femmes et plusieurs gens qui ont des racines différentes. C’est une chose incroyable.
« On apporte tous différentes qualités à la table, et c’est ancré dans notre culture d’équipe, dans notre communauté. Seattle est le reflet de ça, aussi. »
Cet environnement accueillant lui permet donc de se concentrer sur son rôle d’adjointe responsable du jeu de puissance, et de travailler sur ce qu’elle a encore à apprendre. Après tout, elle reste une entraîneuse recrue avec des ambitions plus grandes encore.
Pourrait-on, un jour, voir une femme occuper un poste d’entraîneuse-cheffe, lui a-t-on d’ailleurs demandé.
« Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas », a-t-elle tranché.